Dans cette composition, le visage humain devient le théâtre d’une pluralité identitaire. Trois figures s’enchevêtrent dans une structure instable, ni tout à fait distinctes, ni tout à fait fusionnées, un portrait du moi éclaté, troublé, en constante reconfiguration.

Chaque visage semble porter une charge émotionnelle propre : l’un les yeux clos, replié sur une intériorité opaque ; un autre tourné vers l’extérieur, les traits traversés de tensions ; un dernier, plus central, regarde en face, sans vraiment voir. Cette superposition évoque une stratification du psychisme, où les couches conscientes, inconscientes et sociales se superposent sans jamais s’harmoniser.

Les visages peuvent être vus comme des masques, tantôt choisis, tantôt subis. L’œuvre dévoile ces masques sociaux que l’on porte pour exister aux yeux des autres, ceux qui protègent, mais aussi ceux qui étouffent. Elle interroge : que reste-t-il de l’être véritable une fois les masques retirés ? Où commence le visage intérieur ?

Les couleurs, volontairement irréalistes, accentuent cet effet de dissociation : des bleus électriques, des roses acides, des pourpres profonds s’entrechoquent. La chair devient lumière, ombre, ligne nerveuse. Ce trait brut et éclaté, presque impulsif, fait écho à l’instabilité émotionnelle et à la porosité de l’identité contemporaine.

Le fond rouge, intense et sans détail, agit comme un champ de tension : il n’apaise rien, il amplifie. Il fait du visage un foyer de résonance, un nœud existentiel où se croisent le visible et l’invisible, le vécu et l’imaginé.

À la fois portrait et anti-portrait, cette œuvre interroge ce que signifie « être soi » quand le soi est traversé par le doute, la mémoire, le regard des autres. Ici, l’unité du visage est remise en question. Il n’est plus une façade stable, mais une matière vivante, mouvante, plurielle, le lieu d’une lutte entre vérité intime et représentation sociale.